C’est une décision aussi inattendue que lourde de conséquences. Le fonds souverain de Norvège, le plus important au monde avec plus de 1 500 milliards de dollars d’actifs, a annoncé ce lundi matin qu’il retirait ses investissements de 11 entreprises israéliennes. Un geste fort qui survient dans un climat international tendu, en pleine guerre à Gaza, et qui pourrait marquer un tournant dans la perception des marchés vis-à-vis d’Israël.
Un retrait motivé par des critères éthiques
Selon un communiqué officiel du Norges Bank Investment Management (NBIM), le gestionnaire du fonds, cette décision fait suite à une évaluation interne des pratiques de plusieurs entreprises israéliennes opérant dans le secteur de la défense. Le point de rupture ? La découverte de participations dans une entreprise spécialisée dans la fabrication de moteurs pour avions de chasse, utilisés actuellement dans le cadre des opérations militaires à Gaza.
« Notre mandat est clair : nous devons investir de manière responsable, en respectant des normes éthiques strictes. Nos investissements ne peuvent pas être liés à des violations potentielles du droit international humanitaire », a déclaré Carine Smith Ihenacho, responsable de la gouvernance et de la conformité chez NBIM.
Le rapport de la commission éthique du fonds souligne des risques inacceptables de contributions à de graves violations des droits de l’homme en lien avec certains de ces fournisseurs israéliens.
✈️ Un nom qui dérange: les moteurs d’une guerre
Parmi les entreprises visées, l’une en particulier retient l’attention : Elbit Systems, géant israélien de l’industrie militaire. Cette entreprise est accusée de fournir des composants critiques pour les avions de combat utilisés par l’armée israélienne dans les bombardements à Gaza.
Les ONG internationales, dont Human Rights Watch et Amnesty International, avaient tiré la sonnette d’alarme ces derniers mois sur l’implication directe de certains groupes industriels dans des frappes ayant entraîné des pertes civiles massives.
Bien que les autorités israéliennes aient toujours nié toute violation systématique du droit international, le poids symbolique du retrait norvégien remet en question la neutralité du secteur économique dans cette guerre.
Impact immédiat sur les marchés israéliens
À la Bourse de Tel-Aviv, la réaction ne s’est pas fait attendre. Dès l’ouverture, plusieurs valeurs du secteur de la défense ont plongé. Elbit Systems a perdu plus de 7 % en une matinée, tandis que d’autres sociétés ciblées dans le rapport du fonds norvégien voyaient leurs actions dégringoler de 3 à 5 %.
Des analystes évoquent une perte de confiance potentielle chez d’autres investisseurs institutionnels. Le retrait du fonds norvégien pourrait en effet créer un effet domino, poussant d’autres fonds à réévaluer leur exposition à l’économie israélienne, particulièrement dans les domaines liés à la sécurité et à l’armement.
Une décision aux implications géopolitiques
Ce retrait massif s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu. La guerre à Gaza a franchi un seuil dramatique, avec plus de 30 000 morts depuis le début des hostilités selon les chiffres du ministère de la Santé de Gaza, et des dizaines de milliers de blessés.
Le silence diplomatique habituel des grandes puissances nordiques a laissé place, ces dernières semaines, à une prise de position plus claire. Le gouvernement norvégien s’est récemment exprimé contre la poursuite des opérations militaires israéliennes, appelant à un cessez-le-feu durable et à l’ouverture de corridors humanitaires.
Cette décision économique pourrait ainsi être perçue comme un geste politique masqué sous des considérations éthiques, voire comme une forme de désengagement stratégique vis-à-vis d’un allié militaire devenu encombrant.
Réactions contrastées
Le gouvernement israélien n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué sec, le ministère de l’Économie israélien a qualifié cette décision de « regrettable et politiquement motivée », affirmant qu’Israël continuera à défendre ses intérêts sécuritaires avec ou sans l’appui des investisseurs étrangers.
Du côté des ONG et des défenseurs des droits humains, cette annonce a été accueillie comme une victoire morale, et un signal fort envoyé à l’industrie mondiale de l’armement.
Et après ?
La question demeure : ce retrait est-il un acte isolé ou le début d’un mouvement global ? D’autres fonds souverains, notamment en Europe ou en Asie, pourraient suivre l’exemple norvégien s’ils venaient à considérer que les risques réputationnels et éthiques dépassent les gains financiers.
En refusant de dissocier rentabilité et responsabilité, le fonds norvégien a tracé une ligne rouge. Une ligne que d’autres investisseurs devront désormais décider de franchir…