À travers un communiqué officiel, le Réseau Haïtien des Journalistes Anti-Corruption (RHAJAC) tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme face à ce qu’il qualifie de « l’un des scandales les plus graves de criminalité organisée et d’impunité de l’histoire récente d’Haïti ». Un système mafieux bien huilé, protégé par des élites politiques, opèrerait à l’abri du regard de la justice et dans l’indifférence des autorités nationales.
Le masque du commerce légal : une façade pour des crimes transnationaux
Derrière le visage anodin du commerce d’anguilles, une filière en apparence banale et conforme aux standards économiques, se cacherait en réalité un réseau tentaculaire impliqué dans deux trafics majeurs à l’échelle internationale : le trafic de cocaïne et le trafic d’organes humains.
Selon plusieurs sources internes au RHAJAC, ce réseau serait orchestré par Betty Lamy et Fritz Richardson Junior, avec la bénédiction – voire la participation directe – de l’ancien sénateur Moïse Jean-Charles. Ce dernier, figure politique controversée, est régulièrement accusé de protéger ou de collaborer avec des intérêts criminels, mais continue de jouir d’une immunité de fait.
« Les anguilles sont le cheval de Troie de ces réseaux. Ce commerce, qui bénéficie de licences officielles et d’une couverture logistique internationale, permet de dissimuler des cargaisons de drogue ou des éléments organiques humains destinés à l’exportation illégale », indique un enquêteur sous anonymat.
Des alertes étouffées, une justice sous pression
Les accusations ne sont pas nouvelles. Des rapports confidentiels d’agences onusiennes évoquent depuis plusieurs années les liens entre les filières halieutiques haïtiennes et des routes de narcotrafic. Plus récemment, les anciens conseillers présidentiels Leslie Voltaire et Fritz Alphonse Jean ont pris la parole publiquement pour dénoncer le trafic d’organes dans certaines régions du pays, souvent opérant sous l’ombre de structures paramilitaires ou cliniques clandestines.
Mais malgré l’accumulation de ces révélations, aucune enquête officielle n’a été ouverte, et aucune mesure judiciaire n’a été entreprise à ce jour.
Pire encore, cette semaine, un juge qui avait tenté de convoquer Moïse Jean-Charles et Betty Lamy a été contraint de se rétracter « sous de fortes pressions politiques », selon plusieurs confrères proches du dossier.
“Le silence n’est pas une omission. C’est une forme de complicité institutionnelle”, accuse Djovany Michel, secrétaire général du RHAJAC.
Un système verrouillé par la peur et l’impunité
Le système judiciaire haïtien, déjà fragilisé par des années de crise et de sous-financement, semble désormais paralysé par un cocktail toxique de menaces, d’intimidations et d’alliances politiques. Le crime organisé s’est incrusté au plus haut niveau de l’État, brouillant les frontières entre légalité et délinquance.
« Quand un magistrat ne peut pas faire son travail sans craindre pour sa vie, on n’est plus dans un État de droit. On est dans une zone grise où la loi du plus fort règne », affirme un avocat du Barreau de Port-au-Prince.
Un appel à la société civile et à la communauté internationale
Face à cette situation dramatique, le RHAJAC appelle solennellement à une mobilisation collective :
- Aux citoyens et citoyennes haïtiens, pour qu’ils refusent la normalisation de la criminalité et exigent des comptes aux dirigeants ;
- Aux médias indépendants, pour qu’ils poursuivent coûte que coûte le travail d’investigation, malgré les menaces ;
- À la communauté internationale, pour qu’elle mette en place des mécanismes d’enquête indépendants et impose des sanctions ciblées contre les auteurs, co-auteurs et complices de ces crimes.
“Haïti ne pourra jamais sortir du cycle de violence et de corruption tant que ceux qui pillent ses ressources et vendent la vie humaine comme une marchandise resteront au-dessus des lois”, conclut Djovany Michel.
Un cri d’alerte, mais jusqu’à quand ?
Le combat contre la corruption et la criminalité ne peut plus être l’affaire de quelques journalistes isolés ou d’organisations courageuses. C’est un enjeu national, un test décisif pour la survie même de l’État haïtien.
L’histoire jugera ceux qui ont choisi de se taire. Et plus encore ceux qui ont participé à l’effondrement moral et institutionnel du pays. Mais il est encore temps d’agir. De refuser. De résister.