Une tension palpable régnait ce jeudi dans la salle du Conseil de sécurité des Nations unies, alors que la majorité de ses membres ont fait part de leur profonde frustration et, pour certains, de leur colère ouverte face à un énième veto américain bloquant une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, ainsi qu’à un accès humanitaire sans entrave.
Cette résolution, soutenue par treize des quinze membres du Conseil, incluait des dispositions claires : cessation immédiate des hostilités, acheminement urgent de l’aide humanitaire, protection des civils et respect du droit international humanitaire. Mais une fois de plus, les États-Unis, allié traditionnel d’Israël, ont opposé leur véto, mettant en lumière les divisions persistantes qui minent l’efficacité de l’organe censé garantir la paix et la sécurité internationales.
Une scène d’exaspération diplomatique
« Comment justifier encore ce silence imposé aux victimes civiles ? », a lancé l’ambassadeur d’un pays africain, sous couvert d’anonymat, en marge de la session. « Nous sommes ici pour protéger la paix, pas pour gérer des intérêts géopolitiques. »
L’ambassadeur de la France a, de son côté, exprimé une « profonde déception », soulignant que l’inaction du Conseil nourrissait un sentiment d’injustice et sapait la crédibilité des Nations unies. « Ce Conseil ne peut pas continuer à tourner le dos à la souffrance humaine qui se déroule sous nos yeux. »
Le poids des images et des chiffres
Depuis plusieurs mois, la bande de Gaza vit sous le feu presque continu d’opérations militaires qui ont fait des milliers de morts, dont une majorité de civils, selon les dernières estimations des agences humanitaires de l’ONU. Les infrastructures de base — hôpitaux, écoles, réseaux d’eau et d’électricité — sont dans un état de délabrement critique. Des millions de personnes vivent dans des conditions humanitaires qualifiées de « catastrophiques » par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Pourtant, les convois humanitaires sont régulièrement empêchés d’entrer, ou retardés par des procédures jugées opaques et politisées. « Il n’y a plus de temps à perdre », a martelé le représentant du Brésil. « Il ne s’agit plus d’une question de politique, mais d’humanité. »
L’isolement américain
Le veto américain, le troisième en six mois sur des textes similaires, a suscité de vives critiques, y compris parmi certains alliés traditionnels des États-Unis. Si Washington défend sa position en affirmant vouloir privilégier les négociations bilatérales, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles perçoivent comme un blocage systématique.
« Le Conseil est devenu l’otage d’un seul pays », a déclaré l’ambassadrice du Mexique. « Et pendant ce temps, des enfants meurent dans des hôpitaux sans lumière. »
Le représentant américain, visiblement sur la défensive, a tenté de justifier la position de son gouvernement, arguant que toute résolution « déséquilibrée » risquait d’entraver les efforts diplomatiques en cours. Mais ces propos ont été accueillis avec scepticisme.
Un système en crise ?
Au-delà du cas de Gaza, cet épisode ravive le débat ancien sur la réforme du Conseil de sécurité, et plus précisément sur le droit de veto, régulièrement accusé de paralyser l’institution dans les moments critiques.
« Ce n’est pas la première fois que ce Conseil échoue », a rappelé une diplomate européenne. « Mais il est de plus en plus difficile d’expliquer à nos opinions publiques pourquoi nous ne parvenons pas à empêcher des tragédies évitables. »
Alors que la guerre continue de faire rage, les regards se tournent désormais vers l’Assemblée générale, qui pourrait adopter une résolution symbolique à large majorité. Mais sans effet contraignant, ces textes restent largement déclaratifs.
Un appel à la conscience collective
Dans les couloirs des Nations unies, les visages sont graves. Beaucoup savent que le monde les regarde, et que leur silence ou leur inaction pourrait, à terme, coûter bien plus cher que n’importe quelle crise diplomatique.
Comme l’a sobrement résumé un représentant africain : « Il ne s’agit plus de diplomatie. Il s’agit de dignité humaine.