Le ton monte dans l’arène politique haïtienne, alors que l’avocat Caleb Jean-Baptiste a publiquement menacé d’arrêter l’ancien sénateur Moïse Jean-Charles, qu’il accuse de graves délits, allant du vol de bétail et au trafic d’organes humains. Ces propos, relayés massivement sur les réseaux sociaux, suscitent l’indignation d’une partie de l’opinion et relancent le débat sur les dérives de la parole politique en Haïti.
Dans une intervention diffusée ce mardi, Maître Caleb Jean-Baptiste s’est livré à une violente charge contre Moïse Jean-Charles, le leader du parti Pitit Dessalines.
« Dès qu’il remettra les pieds dans la rue, je vais lui mettre la main dessus. Il ira directement à la police. Cet homme est un voleur de vaches, un voleur d’anguilles, de reins, un trafiquant d’organes », a-t-il lancé avec véhémence.
Une telle déclaration soulève de nombreuses questions, non seulement sur la véracité des faits évoqués, mais aussi sur l’usage de la menace dans le champ politique. Jusqu’à présent, aucune plainte formelle ni enquête officielle n’a été ouverte à l’encontre de Moïse Jean-Charles sur les faits évoqués par l’avocat.
Moïse Jean-Charles visé dans sa tentative de retour politique
Au cœur de ces accusations se trouve le retour médiatisé de Moïse Jean-Charles sur la scène publique, après plusieurs mois de discrétion. Selon Maître Caleb, l’ancien sénateur aurait mobilisé près de 15 millions de gourdes pour affréter un bus de militants depuis le Cap-Haïtien, afin d’organiser une démonstration de force à Port-au-Prince.
« Il vient avec un bus rempli de gens payés pour l’applaudir. Mais il n’est plus capable de mobiliser cent personnes par conviction. Il a perdu sa dignité, son caractère d’homme », a poursuivi Maître Caleb, qualifiant Moïse de « prostituée politique » — des mots d’une rare violence dans le débat public.
Un climat politique délétère
Ces attaques s’inscrivent dans un contexte politique tendu, marqué par la montée des frustrations populaires, l’absence d’élections crédibles depuis des années et la crise sécuritaire. L’espace public devient un exutoire pour les rancœurs et les règlements de comptes personnels, où les réseaux sociaux servent souvent de tribunal parallèle.
Aucune réaction officielle n’a été enregistrée du côté de Moïse Jean-Charles ou de son équipe. Sollicité par notre rédaction, son porte-parole a simplement indiqué que « le peuple jugera les actes, pas les insultes. »
Où est la justice dans tout cela ?
Au-delà des mots, cette affaire soulève une question fondamentale : pourquoi des accusations aussi graves ne sont-elles pas portées devant les tribunaux ? Si les faits sont avérés, ils méritent d’être instruits par la justice, dans le respect de la procédure et des droits de la défense. S’ils sont infondés, ils relèvent alors de la diffamation, qui elle-même est passible de sanctions.
« Nous assistons à une judiciarisation sauvage du discours politique », analyse le sociologue Dany Montès. « Quand des figures publiques se donnent le droit d’arrêter ou d’humilier publiquement des adversaires sans preuve, cela menace directement les fondements de la démocratie. »
Haïti a-t-elle encore une parole politique responsable ?
Dans un pays où les institutions sont affaiblies, la parole publique devrait être mesurée, responsable, et tournée vers la reconstruction du lien social. Or, ce nouvel épisode révèle une fois de plus une scène politique gangrenée par les invectives, les accusations sans suite, et la volonté de nuire plus que de proposer.
Moïse Jean-Charles est loin de faire l’unanimité, et ses méthodes sont souvent contestées. Mais face aux accusations spectaculaires de Maître Caleb Jean-Baptiste, le débat ne peut se résumer à des insultes et à des menaces. Si l’État de droit a encore un sens, alors la justice — pas la rue — doit trancher.