Washington/Moscou – C’est une rencontre que peu avaient anticipée, mais dont les enjeux s’annoncent cruciaux. Le président américain Donald Trump a confirmé ce lundi qu’il rencontrera le président russe Vladimir Poutine le 15 août prochain à Anchorage, en Alaska. L’objectif affiché : entamer des négociations directes pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine, un conflit qui dure depuis plus de trois ans et qui a profondément bouleversé l’ordre mondial.
Il s’agira du premier tête-à-tête officiel entre les deux dirigeants depuis juin 2019, et la première tentative de médiation directe des États-Unis depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche en janvier dernier.
Une rencontre inattendue, mais pas anodine
Le choix d’Anchorage, ville située à mi-chemin entre Moscou et Washington, n’est pas anodin. Ni en Europe, ni en Asie, ni sur le sol continental américain, l’Alaska apparaît comme un terrain neutre, symbolique mais stratégique, où les deux puissances peuvent se parler à distance égale.
Cette annonce intervient alors que la guerre en Ukraine a franchi un nouveau palier d’escalade, avec des frappes plus fréquentes sur les infrastructures civiles, une intensification des combats dans l’Est, et des appels au secours réitérés de Kyiv face à l’épuisement des capacités militaires occidentales à maintenir un soutien prolongé.
Dans une déclaration à la presse, Trump a affirmé vouloir « ouvrir une nouvelle page » dans les relations russo-américaines et « éviter une guerre plus large qui pourrait embraser toute l’Europe ». De son côté, le Kremlin a confirmé la tenue du sommet, tout en tempérant les attentes : « Nous venons avec nos positions, et elles ne sont pas négociables sur certains points essentiels », a déclaré Dmitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine.
L’Ukraine, grande absente à la table ?
L’un des aspects les plus controversés de cette rencontre réside dans le fait que l’Ukraine ne sera pas présente. Le président Volodymyr Zelensky a réagi en déclarant que « toute négociation sur l’avenir de l’Ukraine sans l’Ukraine serait moralement inacceptable », tout en précisant attendre « des clarifications urgentes de la part de Washington ».
Des voix critiques, notamment au sein de l’Union européenne, redoutent une tentative de Washington de négocier au-dessus de la tête de Kyiv, dans une logique de « realpolitik » où les intérêts géostratégiques primeront sur les principes du droit international.
Pour autant, plusieurs diplomates européens saluent l’initiative, estimant qu’un dialogue direct entre Moscou et Washington reste le seul levier capable de briser l’impasse diplomatique actuelle.
Le retour d’une diplomatie personnelle
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a multiplié les signaux d’un changement d’approche radical sur la scène internationale. Contrairement à la ligne dure de l’administration Biden vis-à-vis de la Russie, Trump se positionne comme un médiateur pragmatique, prêt à dialoguer même avec les adversaires déclarés des États-Unis.
Cette rencontre avec Poutine s’inscrit dans cette logique : une tentative de ramener les puissances à la table des discussions, quitte à déranger l’ordre diplomatique établi.
Mais les critiques ne manquent pas. Plusieurs anciens responsables de la diplomatie américaine redoutent un sommet à huis clos, sans garde-fous, où Trump pourrait faire des concessions unilatérales. Le souvenir du sommet d’Helsinki en 2018, où Trump avait été vivement critiqué pour sa posture conciliante face à Poutine, reste dans les esprits.
Le sommet du 15 août sera scruté par les chancelleries du monde entier, non seulement pour ses résultats, mais aussi pour ce qu’il révélera du nouvel équilibre des forces. Si Trump parvient à obtenir un geste significatif de Moscou – une trêve, un retrait partiel ou une ouverture humanitaire –, il marquera un point diplomatique important.
Mais si les discussions échouent, ou si elles se soldent par des concessions américaines sans contrepartie claire, le risque est grand de fragiliser encore davantage la position de l’Ukraine, et de renforcer la perception d’un monde où les grandes puissances décident à huis clos du sort des plus faibles.
Dans tous les cas, ce 15 août pourrait bien devenir une date charnière, soit dans le chemin vers la paix, soit dans la consolidation d’un nouvel ordre mondial plus instable, plus fragmenté, et profondément revisité par la géopolitique du XXIe siècle.