Par [Antonio]
À l’issue d’un sommet tendu dans la capitale américaine, l’Europe repart sans promesse de sanctions renforcées, sans cessez-le-feu en Ukraine, et surtout, avec l’amer constat que Moscou conservera les territoires conquis à l’est. Une claque diplomatique retentissante, dont les conséquences pourraient s’étendre bien au-delà des plaines ukrainiennes.
Un sommet sous haute tension
Réunis pendant trois jours à Washington, les dirigeants des puissances occidentales espéraient encore pouvoir arracher un consensus face à l’enlisement du conflit ukrainien. L’Europe, menée notamment par la France, l’Allemagne et les pays baltes, plaidait pour une ligne dure : renforcement des sanctions économiques, livraison accélérée d’armements, et surtout, pression conjointe sur Moscou pour engager des pourparlers sérieux autour d’un cessez-le-feu.
Mais très vite, les divergences sont apparues au grand jour. L’administration américaine, plus prudente, semble avoir opté pour une posture attentiste, évitant toute escalade frontale avec la Russie. « Le moment n’est pas propice à des décisions unilatérales », a déclaré un haut diplomate américain , confirmant ce que beaucoup redoutaient : une fracture stratégique transatlantique.
L’Europe marginalisée
Dans les couloirs du sommet, plusieurs diplomates européens n’ont pas caché leur frustration. « Nous sommes venus avec des propositions concrètes, une vision de sortie de crise, mais nous avons trouvé en face un mur de prudence », confie un représentant du Quai d’Orsay. Le message est clair : sur la question ukrainienne, l’Europe n’a plus le levier qu’elle pensait avoir.
Le plus amer dans tout cela ? L’acceptation tacite, voire assumée, du statu quo territorial. En d’autres termes, la Russie ne sera pas forcée de se retirer des territoires conquis ces deux dernières années – notamment dans les régions de Donetsk, Zaporijia et Kherson. Si Washington ne reconnaît pas officiellement l’annexion, il ne l’entravera pas non plus dans les faits. Une position que plusieurs analystes interprètent comme un feu vert implicite à la consolidation des gains russes.
Le silence glaçant sur les sanctions
Autre point noir du sommet : l’absence totale d’accord sur de nouvelles sanctions. Alors que les Européens souhaitaient cibler davantage le secteur énergétique russe, Washington a préféré temporiser, invoquant la nécessité de « préserver l’équilibre énergétique mondial » en période de ralentissement économique. Une ligne rouge pour certains pays de l’Est européen, qui y voient un abandon pur et simple des principes fondateurs de la sécurité collective.
« La Russie a été punie, mais pas assez pour stopper son ambition territoriale. Le signal envoyé est dangereux », avertit Oksana Mykolaïvna, chercheuse ukrainienne en relations internationales basée à Varsovie.
Et maintenant ?
Le sommet de Washington n’a donc accouché ni d’un accord concret, ni d’une perspective claire. Pire, il a mis en lumière les divisions profondes qui minent le front occidental. En coulisse, certains diplomates parlent d’un tournant stratégique, voire d’une « Munich moderne », en référence à l’abandon de la Tchécoslovaquie face à Hitler en 1938.
Dans le camp ukrainien, l’amertume est palpable. Volodymyr Zelensky, pourtant resté en retrait pendant les négociations, a publié un message sibyllin sur les réseaux sociaux : « L’histoire se souviendra de ceux qui se sont tus. » Un avertissement à peine voilé à ses alliés, et une démonstration, s’il en fallait une, que l’Ukraine se sent désormais bien seule.
Une Europe fragilisée, un ordre mondial bouleversé
Ce sommet devait offrir des réponses. Il n’aura fourni que des silences. Tandis que Moscou consolide ses positions et que Washington joue la montre, l’Europe semble condamnée à l’impuissance. Dans ce jeu d’équilibre géopolitique, chaque absence de décision devient une décision en soi — et celle-ci risque de coûter cher.