Savanes, Ghana – Ce qui n’était au départ qu’un litige foncier local s’est transformé en une tragédie humaine de grande ampleur. En août, dans la région de Savanes, au nord du Ghana, des affrontements violents entre deux communautés rivales ont fait au moins 31 morts, des dizaines de blessés et entraîné le déplacement de plus de 50 000 personnes.
“Les combats ont éclaté à la suite d’un différend territorial vieux de plusieurs décennies, récemment ravivé par des tensions communautaires et politiques”, a déclaré à la presse un responsable local sous couvert d’anonymat.
Une vieille querelle, une étincelle récente
Le conflit oppose deux groupes ethniques vivant sur des terres dont les frontières coutumières restent floues depuis des générations. Si la cohabitation, souvent fragile, s’est maintenue au fil des ans, un litige récent concernant la propriété d’une parcelle de terres agricoles aurait mis le feu aux poudres.
D’après les premiers éléments recueillis par les autorités, l’octroi controversé de titres fonciers par des chefs traditionnels, couplé à une décision perçue comme partiale par une partie des habitants, aurait ravivé des rancœurs longtemps enfouies.
“Ce n’est pas qu’un problème de terre. C’est aussi un conflit identitaire, alimenté par un sentiment d’injustice et l’absence de médiation durable”, explique un sociologue ghanéen spécialiste des dynamiques communautaires.
Une spirale de violences et d’exodes
Les premiers affrontements ont débuté dans un village agricole situé à une trentaine de kilomètres de Bawku, avant de s’étendre à plusieurs localités voisines. En quelques jours, des maisons ont été incendiées, des champs saccagés, des routes bloquées, et des familles entières ont fui vers le sud ou vers des camps d’accueil improvisés.
Selon les autorités régionales, 31 personnes ont perdu la vie dans les violences, mais le bilan humain pourrait s’alourdir. Plus de 50 000 personnes — principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées — ont été contraintes d’abandonner leurs foyers.
“Nous manquons de tout : eau, nourriture, abris. Certains dorment dehors depuis une semaine”, témoigne une déplacée arrivée dans un centre de secours près de Tamale.
Réaction des autorités et appels à la médiation
Le gouvernement ghanéen a déployé des unités de sécurité pour rétablir l’ordre et désamorcer les tensions. Un couvre-feu a été instauré dans plusieurs districts affectés, et des négociations sont en cours entre les chefs traditionnels des deux camps, sous la supervision de l’administration régionale.
“La paix est possible, mais elle demande du courage politique, du dialogue sincère et la reconnaissance des torts subis de part et d’autre”, a souligné le ministre de l’Intérieur, en visite dans la région.
Des ONG locales et internationales ont également commencé à se mobiliser pour venir en aide aux populations déplacées, mais les besoins humanitaires restent immenses.
Une crise qui en dit long
Ce conflit n’est pas un cas isolé. Dans plusieurs régions rurales du Ghana et de l’Afrique de l’Ouest, la pression croissante sur les terres, le changement climatique, l’urbanisation, et la faiblesse des structures de médiation foncière attisent les tensions entre groupes.
“Il ne suffit pas d’envoyer l’armée. Il faut reconstruire la confiance, revoir les lois sur la terre et mieux écouter les communautés”, plaide un travailleur humanitaire sur place.
Ce drame dans le nord du Ghana met en lumière les dangers d’un foncier mal encadré et de tensions communautaires non résolues. Au-delà des chiffres, ce sont des vies bouleversées, des enfants déracinés et des villages entiers traumatisés. À Savanes, la paix est suspendue à un fil — et le pays, à l’épreuve de sa capacité à prévenir, plutôt qu’à guérir, les blessures profondes du territoire.