Les espoirs d’un cessez-le-feu à Gaza se sont une fois de plus évanouis dans le fracas des bombes. Alors qu’un canal discret de négociations semblait progresser en vue d’un accord sur la libération des otages et une trêve humanitaire, une frappe israélienne, mardi soir, a visé un bâtiment à Doha, dans la périphérie de Gaza-ville, où se réunissaient, selon Israël, plusieurs hauts responsables du Hamas.
Cette frappe, qui aurait tué plusieurs cadres du mouvement islamiste palestinien, a brutalement interrompu les pourparlers en cours, menés avec la médiation du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis. Les diplomates, sous couvert d’anonymat, parlent d’un « effondrement brutal des canaux de dialogue », quelques heures seulement après que des signaux positifs avaient commencé à émerger de Doha.
« Nous étions proches d’une avancée significative. La frappe de mardi a tout réduit en poussière, » confie une source diplomatique européenne impliquée dans les discussions.
Un processus fragile, désormais à l’arrêt
Depuis plusieurs semaines, des discussions avaient lieu dans le plus grand secret pour tenter d’arracher un cessez-le-feu temporaire, en échange de la libération progressive d’otages encore retenus par le Hamas depuis les attaques d’octobre 2023.
L’Égypte et le Qatar, deux acteurs clés du dialogue indirect entre Israël et le Hamas, avaient accueilli les émissaires dans des hôtels tenus à l’abri des regards. Mais le raid israélien de mardi a provoqué un choc. À la fois sur le terrain, et dans les chancelleries qui, jusque-là, continuaient à croire en une fenêtre diplomatique, aussi ténue soit-elle.
« Les Israéliens ont agi dans le cadre de leurs objectifs sécuritaires, mais au détriment d’une opportunité politique rare, » analyse un responsable onusien présent à Doha. « C’est une décision qui aura des conséquences durables sur le rythme et la nature des négociations à venir. »
Une nouvelle tour d’habitation détruite à Gaza
Ce matin, les frappes se sont poursuivies. Une nouvelle tour résidentielle a été réduite en ruines dans le quartier de Tel al-Hawa, au sud de la ville de Gaza. L’immeuble, de plus de dix étages, abritait des dizaines de familles. Les secours, déjà débordés et sous-équipés, fouillent les gravats à mains nues. Selon les premiers bilans du ministère de la Santé à Gaza, au moins 19 personnes auraient été tuées, dont plusieurs enfants.
« Ils ont tout détruit. C’était notre maison, nos souvenirs, notre vie, » sanglote Fadwa, une survivante évacuée vers une école transformée en centre d’accueil. « On nous dit d’évacuer, mais il n’y a plus de lieu sûr ici. »
Les autorités israéliennes ont confirmé avoir visé ce qu’elles appellent un « centre de commandement secondaire du Hamas », sans préciser si la cible principale avait été neutralisée. L’armée affirme également avoir averti les habitants par des messages et des appels avant la frappe, une procédure souvent critiquée par les ONG pour son efficacité très relative dans une zone où les possibilités de déplacement sont quasi nulles.
Une situation humanitaire au bord du gouffre
Dans le reste de l’enclave palestinienne, la situation humanitaire atteint des niveaux alarmants. Les hôpitaux manquent d’électricité, de médicaments et d’équipements de base. La population, épuisée, fait face à un quotidien de peur, de pénuries et de déplacements forcés.
Le chef du Bureau des affaires humanitaires de l’ONU a exprimé sa profonde préoccupation :
« Le système humanitaire à Gaza est à l’agonie. L’aide n’entre plus, les civils n’ont nulle part où aller, et les attaques ne s’arrêtent pas. »
L’impasse politique se renforce
La frappe sur Doha a également renforcé la crispation entre les partenaires régionaux. Le Qatar, qui joue depuis des années un rôle d’intermédiaire entre Israël et le Hamas, a officiellement condamné l’attaque, qu’il qualifie de « sabotage volontaire d’un processus politique fragile ». Israël, de son côté, estime qu’il n’est pas question de relâcher la pression tant que les otages ne sont pas libérés et que les capacités militaires du Hamas ne sont pas entièrement démantelées.
« Nous frapperons chaque lieu, chaque réunion, chaque cellule qui menace notre sécurité, où qu’elle se trouve, » a déclaré un haut responsable israélien sous couvert d’anonymat.
Avec les négociations à l’arrêt et les hostilités qui s’intensifient, l’avenir immédiat reste sombre pour les civils de Gaza, comme pour les familles des otages en Israël. Les diplomates parlent d’un « moment de bascule », où la spirale de violence a pris le pas sur les efforts de désescalade.
« Nous avions un fil ténu entre les mains. Il a été brisé, » résume un négociateur qatari. « Il faudra des semaines, peut-être des mois, pour le renouer. Si tant est qu’il en reste quelque chose à sauver. »