Face à une série d’allégations aussi graves qu’inquiétantes, le Réseau haïtien des journalistes anti-corruption (RHAJAC) hausse le ton. Dans une note publiée ce mercredi 12, l’organisation réclame la suspension immédiate des licences d’exploitation et d’exportation d’anguilles détenues par Betty Lamy, Walson Sanon et Fritz Richardson, trois figures du secteur halieutique soupçonnées de corruption, de trafic de stupéfiants et de trafic d’organes humains.
L’affaire, actuellement entre les mains du juge d’instruction Benjamin Félismé, plonge une nouvelle fois le pays dans la tourmente d’un scandale mêlant affaires, politique et impunité d’État.
Des licences en question dans un climat de suspicion généralisée
Selon le RHAJAC, maintenir ces licences actives malgré les procédures en cours serait « une atteinte grave à la crédibilité de la justice et des institutions haïtiennes ».
Le réseau souligne que ces trois individus font déjà l’objet d’une instruction judiciaire ouverte à la suite de plaintes déposées par le RHAJAC lui-même, le Collectif contre la corruption (CCC) et l’avocat Me Caleb Jean-Baptiste.
La note rappelle également qu’en mai 2025, l’Association nationale pour la protection des ressources aquatiques (ANAPRA) avait écarté deux de ses membres, Fritz Richardson Jr et Betty Lamy, pour blanchiment d’argent, contrebande, trafic d’organes et de cocaïne. Une décision passée presque inaperçue, mais qui, selon plusieurs observateurs, traduisait déjà la profondeur des soupçons pesant sur certains acteurs du commerce halieutique.
Un secteur lucratif au cœur d’un système opaque
Le commerce d’anguilles, bien que peu connu du grand public, représente un marché florissant en Haïti. Ces espèces sont particulièrement prisées sur le marché asiatique, où leur valeur peut atteindre des montants considérables.
Mais derrière cette façade économique se cacheraient, selon le RHAJAC, des pratiques douteuses, parfois liées à des réseaux de contrebande et de blanchiment.
Un membre du réseau, joint par téléphone, explique :
« Ce secteur n’a jamais été véritablement encadré. C’est un terrain fertile pour les opérations illégales : exportations fictives, détournements, financements occultes… et parfois bien pire. »
Le RHAJAC craint que la poursuite des activités de ces opérateurs ne permette la disparition de preuves ou le transfert illicite des produits exportés, alors même que la justice tente de faire la lumière sur ces pratiques.
Un appel direct aux institutions haïtiennes
Le Réseau appelle nommément le ministère de l’Environnement, le ministère du Commerce et de l’Industrie, les douanes haïtiennes et le cabinet d’instruction du juge Félismé à prendre des mesures conservatoires immédiates.
L’objectif : empêcher tout acte susceptible de compromettre l’enquête en cours.
Dans un pays souvent accusé de complaisance envers les puissants, le RHAJAC estime qu’il est urgent d’envoyer un signal fort :
« La loi doit s’appliquer à tous. L’État ne peut pas rester spectateur pendant que ses ressources sont pillées et que la justice est piétinée », martèle Djovany Michel, secrétaire général du réseau.
Entre corruption et résistance citoyenne
Ce nouveau dossier illustre une réalité amère : la corruption systémique continue de miner les fondations de l’État haïtien.
Malgré la multiplication des scandales, peu de responsables sont inquiétés, et encore moins condamnés.
Pour les défenseurs de la transparence, l’affaire des licences d’anguilles pourrait devenir un test moral pour le système judiciaire.
« Si la justice échoue à agir ici, ce sera une défaite symbolique. On ne parle pas seulement de corruption économique, mais de crimes qui touchent à la dignité humaine », estime un juriste proche du dossier.
Le RHAJAC en sentinelle de la justice
Fondé par un collectif de journalistes indépendants, le RHAJAC s’est imposé ces dernières années comme une voix essentielle dans la lutte contre la corruption.
En s’attaquant à des dossiers mêlant argent, pouvoir et trafic, le réseau s’expose souvent à des pressions, voire à des menaces. Mais ses membres affirment ne pas céder à la peur.
« Nous ne faisons pas la chasse aux sorcières », explique un responsable du réseau, « mais nous refusons que le silence devienne la norme. Ce pays mérite une justice qui protège le bien commun, pas les intérêts particuliers. »
Vers une issue judiciaire incertaine
Pour l’heure, le juge Benjamin Félismé poursuit ses investigations.
Les prochaines semaines seront décisives : si la justice ordonne la suspension des licences, ce serait une première victoire symbolique contre la corruption économique.
Mais dans un pays où les pressions politiques peuvent rapidement étouffer une procédure, rien n’est encore gagné.
En attendant, le RHAJAC promet de maintenir la pression et de rendre compte publiquement de chaque avancée.
Car au-delà des faits, c’est la confiance du peuple haïtien dans sa propre justice qui se joue, une fois encore, dans le tumulte d’un scandale de plus.
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