Donald Trump dénonce une conspiration contre les États-Unis
PÉKIN – Ce mercredi 3 septembre au matin, sous les dorures disciplinées du ciel pékinois, la place Tiananmen a offert au monde une image qui marquera sans doute un tournant symbolique dans l’histoire contemporaine. À quelques mètres l’un de l’autre, Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong Un se sont affichés ensemble, droits, impassibles, devant une foule de militaires, de dignitaires étrangers triés sur le volet, et surtout, de caméras venues de toutes les grandes chaînes internationales.
Trois figures, trois régimes puissamment autoritaires, réunis à l’occasion d’un événement officiel célébrant la victoire de la Chine sur le Japon impérial, mais qui portait, en filigrane, un autre message : celui d’un monde en mutation, où les alliances traditionnelles se fissurent, et où de nouvelles solidarités se dessinent hors du cadre occidental.
Une chorégraphie bien orchestrée
Tout, dans cette scène, semblait soigneusement mis en scène : le timing des apparitions, la sobriété des gestes, les sourires mesurés. Poutine est arrivé légèrement en retrait, mais a été chaleureusement accueilli par Xi Jinping. Kim Jong Un, plus discret mais visiblement à l’aise, s’est tenu à gauche de Xi, comme un invité d’honneur. Le tout sous l’œil bienveillant d’une armée chinoise alignée comme un seul homme.
Si officiellement, il s’agissait d’une commémoration historique, peu d’analystes s’y sont trompés : cette image était aussi – et peut-être surtout – un message géopolitique. Celui d’un front symbolique, opposé à ce que ces trois régimes considèrent comme l’ingérence occidentale, le déclin de l’ordre mondial libéral et la nécessité d’un nouvel équilibre des puissances.
Trump s’indigne : « Une conspiration ouverte contre l’Amérique »
La réaction de Donald Trump n’a pas tardé. Fidèle à son style percutant, le président américain a publié une série de messages alarmistes sur son réseau Truth Social.
« Xi, Poutine, Kim – trois dictateurs réunis sur une place qui a vu couler le sang de la liberté. C’est une conspiration ouverte contre l’Amérique et ses valeurs.
Dans son camp, cette déclaration a fait mouche. Les partisans de Trump y voient la confirmation d’un monde devenu plus dangereux. Pour d’autres observateurs, ces propos relèvent davantage de la stratégie politique que d’une lecture factuelle des enjeux.
Une alliance de façade ou un vrai rapprochement stratégique ?
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie a considérablement renforcé ses liens économiques et diplomatiques avec la Chine. Pyongyang, de son côté, multiplie les échanges militaires avec Moscou, tandis que Pékin, sans cautionner ouvertement les actions de ses deux alliés, reste ferme dans sa volonté de bâtir un monde « multipolaire ».
Marie Veyrat : « L’image est puissante, mais derrière elle se cache de profondes divergences. La Chine reste prudente, la Russie est fragilisée, et la Corée du Nord est isolée. Leur point commun, c’est surtout leur hostilité à l’hégémonie américaine. »
En d’autres termes, plus qu’une alliance militaire formelle, c’est une solidarité tactique qui se joue ici : celle de régimes cherchant à redessiner les équilibres mondiaux à leur avantage.
Tiananmen, entre mémoire et effacement
Le choix de la place Tiananmen n’est évidemment pas anodin. Elle est, pour le pouvoir chinois, le théâtre du renouveau national, le cœur battant du récit patriotique. Mais pour le monde occidental, elle reste irrémédiablement liée à la répression sanglante de 1989. En accueillant Vladimir Poutine et Kim Jong Un sur ce lieu chargé de symboles, Xi Jinping impose sa version de l’Histoire : une histoire où la stabilité et l’autorité l’emportent sur les revendications démocratiques.
L’Occident face à une réalité qui change
L’image du 3 septembre soulève plus de questions qu’elle n’en résout. S’agit-il d’un avertissement discret, ou d’une déclaration d’intention ? D’une simple opération de communication ou d’un début de coalition idéologique ?
En tout cas, elle a réveillé des lignes de fracture profondes au sein de l’opinion publique américaine, et pourrait bien relancer les débats sur la posture stratégique des États-Unis face à ce nouvel ordre en gestation.
Un cliché pour l’Histoire ?
Peut-être qu’un jour, les manuels d’histoire montreront ce cliché de trois dirigeants debout côte à côte sur la place Tiananmen comme le symbole d’un basculement. Celui d’un monde qui ne se pense plus uniquement en termes d’Est et d’Ouest, mais selon des rapports de force mouvants, imprévisibles, et de plus en plus complexes.